Alors qu’est-ce que le soin ?

Ce ne sont pas les couloirs d’hôpitaux ni les salles d’attente de cabinets qui permettent de faire émerger, à une échelle collective et citoyenne, les enjeux du soin et du secteur de la santé. Il existe bien peu d’espaces où faire commun et échanger autour du soin. Faute de comprendre ce que désigne le terme, peu d’espaces de discussion, de réflexion, d’enquête et de décryptage en profondeur lui sont consacrés. La Fabrique des Soignants se donne ainsi pour mission de porter médiatiquement ce sujet.

Pour préserver sa dimension collective et sa forme associative, La Fabrique des Soignants s’attelle à proposer des formats coopératifs et ouverts. Le projet a voulu donner une égale part à tous·tes afin d’ouvrir le dialogue et inviter à la co-construction d’idées pour repenser le soin et les métiers de soignant·e.

Une volonté d’ouverture qui se traduit aussi dans la part belle faite à la parole des personnes concernées et à leurs récits. La Fabrique des Soignants invite ainsi chacun·e à se saisir des espaces de parole proposés dans le cadre des émissions, articles ou témoignages portés par le média. Professionnel·les de la santé, aidant·es, patient·es : la voix de tous·tes, en tant que citoyen·nes, compte.

En faisant primer l’idée de citoyenneté, nous nous faisons fort d’œuvrer pour le décloisonnement du secteur. Nos productions, par les échanges horizontaux qu’elles initient entre tous·tes, défendent la légitimité de chacun·e, aides-soignant·es comme chirurgien·nes, patient·es comme soignant·es, à s’exprimer depuis sa position.

La valorisation de ces paroles passe certes par le fait de tendre un micro. Mais nous pensons aussi qu’il est important de rendre à ces paroles leur sens esthétique. Nous croyons en la force de la beauté. En la prégnance du regard. La Fabrique des Soignants accorde une place importante au cadre d’énonciation et prend soin de sa dimension artistique.

Pour les personnes interrogées comme pour les sujets qu’elles défendent c’est aussi, affirmons-nous, le témoignage d’une considération. Une considération politique. Car nous défendons la nécessité de porter par nos productions des paroles engagées et militantes, à l’instar de celles prônant les relations entre santé et écologie, le partenariat patient ou l’aller vers. Les vulnérabilités sont au cœur de ce que le soin est, et cette reconnaissance est au cœur de notre travail.

Nous défendons une approche politisée de la santé depuis la création du média. En 2024, à l’arrivée de l’extrême droite aux portes du pouvoir qui marque un déjà-là fasciste dans la politique française, cette lutte prend tout son sens. Car l’extrême droite homogénéise, efface la diversité des identités, des corps et des histoires qui sortent de la norme. Le projet fasciste en 2025 et sa volonté d’éradication des marges est bien là, au sein de nos institutions, de nos médias et des pensées de nos concitoyen·nes.

Les discours et actes de haine ciblent systématiquement les plus vulnérables : les personnes migrantes, racisées, LGBTQIA+, malades, en situation de handicap, pauvres et toutes autres personnes en situation de précarité. Une vulnérabilité qui s’accroît dans un contexte de destruction du vivant et que La Fabrique des Soignants vise à thématiser et rendre sensible dans toutes ses dimensions.

Les attaques s’accompagnent d’une remise en cause de dispositifs comme l’Aide Médicale d’État, ébranlant les principes au fondement de notre système de santé. II ne s’agit pas seulement de décrypter le risque que court celui-ci face à l’extrême droite. Mais de se constituer, clairement et durablement, comme une interface prônant la coopération et la solidarité. De partager des idées et de co-construire des projets concrets pour proposer un autre modèle de société.

Les initiatives solidaires existent dans le milieu du soin mais elles sont trop peu visibles. Car ce sont bien les « grosses opérations » qui font la une. En faisant de la performance la priorité de nos systèmes et organisations, ceux-ci ont perdu de leur capacité à réagir. De leur robustesse. La période du Covid en a été le signe. Il a fallu casser la culture de la performance sanitaire pour prendre en charge les patient·es. Mais s’est-on suffisamment interrogé·es sur ce changement, certes éphémère et partiel, de paradigme ?

Certain·es soignant·es continuent de le défendre et appellent de leurs vœux une réflexion profonde et collective sur notre culture du soin. Relation avec les patients, déconstruction du mythe de la vocation, statut et santé des professionnel·les… Les débats autour de ces enjeux émergent – à bas bruit. La Fabrique des Soignants se donne pour rôle de contribuer aux idées qui s’y créent et à leur visibilité auprès de tous·tes. Elle vise à être l’interface où mettre en lumière les angles morts du soin actuel.

Nous croyons que le soin est un moteur de transformation sociale, un levier puissant pour construire une société plus juste et égalitaire. Conscient·es des inégalités structurelles qui restreignent l’accès à la santé et aux droits, nous appelons à repenser le soin comme un acte collectif. Il est temps de dépouiller le soin des idées qui le fragilisent et de lui rendre toute sa substance. Il nous faut réparer et reconstruire le soin.

Prendre et faire soin est l’affaire de tous·tes : nous sommes toutes et tous soigné·es et soignant·es en puissance.