Que se cache-t-il derrière la façade des cliniques privées, vendues comme des « cliniques à mission » par la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) pour redorer son image ? C’est ce que la CFDT Santé sociaux tente de montrer avec la publication d’un rapport conjoint avec le CICTAR, pour Centre de recherche pour l’impôt international sur les sociétés sur le cas particulier de Ramsay. Le leader de l’hospitalisation privée en France, qui revendique plus de 400 établissements sur tout le territoire, est pointé du doigt par ce rapport, accusé de bénéficier de la « spéculation immobilière » sur le dos de ses cliniques.
« Ce travail de deux ans est né d’une question très précise. On voulait comprendre où allait l’argent de la Sécurité sociale, qui finance les cliniques, pour que les directions des ces groupes refusent les augmentations salariales » explique Mike Lewis, directeur du CICTAR et auteur du rapport. « Ce dont on s’est rendu compte avec ce travail, c’est que Ramsay a des filiales extrêmement rentables, celles qui détiennent les murs et font payer des loyers très importants aux cliniques, pendant que les cliniques sont elles déficitaires », illustre l’auteur du rapport.
Le document de trente pages détaille certains exemples, comme celui de l’hôpital privé d’Anthony, en région parisienne, qui est l’un des plus importants du groupe en France. Ses murs, qui appartiennent à une filiale de Ramsay, sont loués à la clinique pour environ 10 millions d’euros par an, tandis que l’établissement affiche plusieurs millions d’euros de déficit depuis trois ans. « La filiale propriétaire des murs est extrêmement rentable, dégageant un résultat net de 61% », détaille Mike Lewis.
« Comment se fait-il que l’économie de rente publique qu’est le secteur privé lucratif puisse s’organiser dans une telle opacité ? »
« Dans le même temps, puisque l’établissement est considéré comme endetté, les salarié·es ne touchent pas de prime d’intéressement, et les négociations annuelles de hausse de salaire ne mènent à rien », dénonce Eve Rescanières, secrétaire générale de la CFDT Santé sociaux. « Il y a aussi des conséquences sur la qualité du soin », poursuit la syndicaliste, qui dénonce « les décisions d’économies prises par la direction ces dernières années ».
CFDT Santé sociaux et CICTAR insistent sur un autre point de vigilance. Nombre de cliniques de Ramsay ont revendu leurs murs à des fonds financiers qui les louent ensuite. Interrogé par l’AFP, le groupe Ramsay le justifie en expliquant vouloir « se concentrer sur le soin ». Mais pour les auteur·ices du rapport, ces reventes serviraient surtout à dégager des bénéfices immédiats, et les investir dans le rachat de groupes d’hospitalisation à l’étranger. Problème : ces loyers que les cliniques sont contraintes de payer à des acteurs financiers internationaux fragilisent la santé économique de certains établissements, forcés de verser plusieurs millions d’euros par an de redevance.
Une idée qui révulse les syndicalistes, « surtout lorsqu’on sait que 85% du budget de Ramsay est issu de la Sécurité sociale ». « Comment se fait-il que l’économie de rente publique qu’est le secteur privé lucratif puisse s’organiser dans une telle opacité ? », s’interroge Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, pour qui « il faut vraiment que les acteurs économiques rendent plus de comptes sur ce qu’ils font de l’argent public »». Mais non sans crainte : « Je ne suis pas certaine qu’en face, aux responsabilités, il y ait des gens qui veuillent vraiment réguler ».
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