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“ J’ai fait 600 km pour voir un cardiologue "

02/06/2025 | Par Anonyme

Infirmière de profession, j’ai 63 ans. J’ai dû arrêter mon métier il y a quelques années pour des raisons de santé, étant en ALD et atteinte de plusieurs pathologies chroniques.

Je vis dans les Côtes-d’Armor, un désert médical. Cela fait trois ans et demi que nous n’avons plus de médecin traitant avec mon mari. Il en a encore fait les frais ce matin… Il a besoin d’un avis médical urgent mais aucun généraliste ne peut le recevoir. Ce n’est pas faute d’avoir tenté d’obtenir un rendez-vous par nous-mêmes, mais impossible de trouver autour de chez nous.

Nous avons été contraints d’appeler le 15, le régulateur était désabusé. Ils ont essayé de nous trouver un rendez-vous, mais ce n’est pas à eux de faire ce travail. Pendant qu’ils s’occupent de ça, ils ne peuvent pas répondre aux autres demandes téléphoniques.

Impossible de faire ce trajet.

De mon côté, c’est la même histoire. Je suis rentrée dans un parcours d’aide mis en place par l’assurance maladie, qui était censé m’aider à trouver un nouveau médecin généraliste. Ma conseillère m’appelait tous les mois pour savoir si j’avais avancé dans mes démarches, elle m’a alors proposé de téléphoner moi-même à des médecins situés à 30, 40 voire 120 km de chez moi. J’ai des pathologies qui m’empêchent de conduire longtemps, impossible donc de faire ce trajet. Mon mari a 65 ans, moi 63. On ne va pas rajeunir, et nos problèmes de santé vont s’accumuler.

J’ai récemment pu échanger par visioconférence avec une médecin généraliste et nutritionniste, pour un problème de stéatose hépatique. Elle est basée à Aix-en-Provence, alors que je vis en Bretagne. La première consultation a coûté 160 €, remboursée sur une base de 30 € seulement. Il faut avoir de l’argent aujourd’hui pour espérer pouvoir se soigner.

En ce qui concerne les spécialistes, on en a besoin moins régulièrement que les généralistes, mais même avec le réseau de spécialistes qu’on a constitué au fil des années, il nous arrive parfois de devoir les supplier au téléphone pour obtenir un rendez-vous. Pour voir certains spécialistes, je dois faire plus d’une heure de route.

En avril, j’ai tenté de prendre rendez-vous pour un bilan cardiaque. On m’a proposé une date en octobre. Ma fille, qui vit en région parisienne, m’a trouvé un rendez-vous chez le cardiologue de sa belle-mère. J’ai dû faire 600 km pour y aller. Bien sûr, elle est en secteur 2, ce qui implique des dépassements d’honoraires.

Mon dernier médecin traitant, je l’ai vu entre 2018 et 2022.

J’ai vu la dégradation de notre système de santé en direct. En 2003, pour mes enfants, un médecin de garde intervenait rapidement. Il y avait jusqu’à 6 médecins autour de chez moi. Même en tant que nouveau patient, on était accepté. Mon dernier médecin traitant, je l’ai vu entre 2018 et 2022. Depuis, plus rien, les 4 médecins de la maison de santé dans laquelle il travaillait ne prend plus aucun nouveaux patients, même en cas d’urgences.

Il y a des internes qui consultent, mais il y a encore un an, on obtenait un rendez-vous en 3 jours. Aujourd’hui, il faut compter 3 semaines d’attente.

Ces dernières années, la qualité des soins s’est dégradée, ainsi que l’accès aux soins. Je vois de plus en plus de personnes qui renoncent à se soigner, ou qui n’ont plus de mutuelle, parce que c’est devenu trop cher. J’ai payé 400 € de ma poche pour des analyses sanguines particulières, aujourd’hui je peux me le permettre, mais à la retraite je n’en serai pas si sûre.

Je m’intéresse à la loi Garot, mais pour moi, c’est déshabiller Pierre pour habiller Paul. Imposer deux jours d’exercice dans un désert médical, c’est lunaire. Dans quelles conditions ces médecins vont-ils travailler ? Ont-ils l’équipement, les logiciels, les outils de suivi ? Et pendant ces deux jours, leurs patients habituels ne seront pas suivis. On déplace le problème, on ne le résout pas. Quant à l’idée de donner davantage de compétences aux infirmiers ou aux pharmaciens, je comprends l’intention. Mais ce ne sont pas les mêmes études, les mêmes responsabilités…

J’ai l’impression que la société marche sur la tête.

À Lannion, près de chez moi, les urgences ferment plusieurs nuits par mois depuis des années par manque de professionnels de santé. Aujourd’hui, elles sont régulées, il faut appeler le 15, s’ils jugent que vous en avez besoin, vous pourrez éventuellement vous y rendre, mais pas obligatoirement dans l’hôpital le plus proche. C’est incompréhensible.

Je ne vois pas d’amélioration mais une dégradation à venir. Pour moi, le gouvernement prend le problème à l’envers. Par exemple, on manque de médecins mais on rend le parcours de régularisation des Padhue très complexe. Et dans le même temps, on fait revenir des médecins de 80 ans, ce n’est pas une solution durable, on n’a plus les mêmes réflexes, les mêmes chemins de pensées. Et le médecin de famille, celui qui vous connaissait et vous suivait, a quasiment disparu aujourd’hui, tout comme les consultations à domicile.