Devant un hémicycle aux bancs clairsemés, l’Assemblée nationale a définitivement adopté jeudi 23 janvier 2025 au soir une proposition de loi socialiste visant à « l’instauration d’un nombre minimum de soignant·es par patient·e hospitalisé·e », d’abord adoptée dans les mêmes termes en février 2023 par le Sénat. La proposition de loi, présentée lors de la niche parlementaire du PS (journée pendant laquelle un groupe politique donné a la main sur l’ordre du jour), vise concrètement à créer un quota légal de soignant·es par patient·e pris·e en charge.
Ces quotas seront établis pour les infirmier·es et aides-soignant·es « par lit ouvert ou par nombre de passages pour les activités ambulatoires », dit le texte, auquel il ne manque plus que le décret de promulgation pour être appliqué. Les parlementaires laissent en revanche le soin à la Haute autorité de santé (HAS) d’établir le nombre de soignant·es minimum pour chaque spécialité pour une période de cinq ans.
La proposition de loi du sénateur de Paris apparenté socialiste et médecin généraliste Bernard Jomier est issue de l’une des préconisations de la Commission d’enquête sénatoriale sur la gestion des hôpitaux en 2022, et rejoint les revendications de nombreux groupes de réflexion, parmi lesquels figure le Collectif inter-hôpitaux (CIH), ou encore le syndicat Samu-urgences de France (SUDF), qui salue la mesure. « « Le bénéfice de ces nouvelles dispositions peut être double, car il permettrait d’abord d’améliorer la sécurité du soin, mais aussi d’empêcher en partie l’hémorragie de soignant·es », se réjouit le sénateur. « Un nombre minimum d’infirmier·es, c’est l’assurance de conditions de travail améliorées pour celles qui restent », estime le parlementaire, ancien président de la commission des affaires sociales du Sénat.
Des syndicats mobilisés
Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI) est d’autant plus convaincu que « selon les récents sondages, les conditions de travail au quotidien sont les premières causes de départs des infirmier·es. Le salaire ne vient qu’après ». « Les normes internationales sont de 6 à 8 patients par infirmier·e, en France nous avons 10 à 15 patient·es par infirmier·e, d’où la fuite des soignant·es. Le « monde d’après » est à construire », s’est réjouit le SNPI dans un communiqué. C’est sans doute pour cette raison que les revalorisations salariales post-Covid, voulues dans le cadre du « Ségur de la Santé » n’ont eu qu’un effet marginal sur le nombre de départs dans les professions d’infirmier·es et aides-soignant·es.
Car l’hémorragie de soignant·es de spécialités paramédicales ne s’est pas calmée. Dans une étude de la direction statistique du ministère de la Santé, publiée en 2023, près de la moitié des infirmier·es hospitalier·es quittent l’hôpital ou changeent de métier après seulement dix ans de carrière. Et ce constat risque de s’aggraver avec les générations, puisque le nombre d’étudiant·es en soins infirmiers prenant un poste à la fin de leurs études baisse avec le temps.
Une proposition toujours en débat
Si la proposition de loi n’a pu être adoptée que grâce aux voix de la gauche jeudi, le texte est issu d’un rare consensus politique. Au Sénat, en 2023, tous les groupes y avaient pris part. Et à l’Assemblée, le nouveau ministre de la Santé et de l’Accès aux soins en personne, Yannick Neuder, a apporté son soutien au texte. Pour le ministre, cette nouvelle disposition pourra « améliorer la qualité des soins et la sécurité des patient·es » ». Pour le médecin de profession, « cette avancée est essentielle pour redonner du sens à l’engagement quotidien [des soignant·es] et renforcer l’attractivité de ces métiers ». « Soyons lucides : la mise en œuvre prendra du temps car il est essentiel de former suffisamment de professionnels pour atteindre nos objectifs », admet cependant le ministre.
Car si le texte était soutenu par nombre de politiques et syndicats, certains soignant·es s’inquiètent du potentiel effet pervers de cette mesure. Certain·es soignant·es craignent alors que ce ratio provoque automatiquement la fermeture de services dans les zones ou le recrutement est le plus difficile, comme les centres hospitaliers périphériques, éloignés des grandes métropoles, qui peinent déjà à rester ouverts.
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