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La santé des soignant·es, longtemps un tabou

22/04/2025 | Par Manuel Magrez
Mis à jour le 02/06/2025
Hôpital
Santé des soignants
La santé des soignants #2 Injonctions au silence, honte de toute forme de “faiblesse”... Les soignants ont longtemps tu leurs problèmes de santé, et les institutions ignoré le problème.

« Il faut être fort, il faut ne rien laisser transparaître. Même la sensation de fatigue est interdite. Il suffit de s’en plaindre après 20h de garde pour qu’un·e chef·fe de service pense qu’on n’est pas à la hauteur ». Ces mots sont ceux d’Antoine, interne en réanimation. Documenté dans beaucoup de parcours d’étudiants, ce récit est pour lui « l’exemple parfait du tabou que représente la santé des soignant·es ».

De son propre aveu, « la situation s’est améliorée depuis quelques années : la santé des soignant·es devient un sujet », mais le milieu revient de loin. Depuis des années, les associations représentatives d’internes et de professionnel·les de santé en formation décrivant la dégradation de l’état de santé des étudiant·es, en particulier mentale, allant même jusqu’à un taux de suicide bien supérieur à d’autres catégories du même âge.

À lire aussi : Santé des soignant·es : comment changer les choses ?

 

En face, le discours est bien rodé. Les partisan·es d’une formation « à la dure » font valoir une tradition, pas si simple à déconstruire, voyant dans la rudesse du milieu une caractéristique inhérente au milieu de l’hôpital. Dans cette perspective, les jeunes professionnel·les en souffrance psychique seraient devenu·es, toujours selon ces défenseurs de la mode « à la dure », inaptes face aux difficultés de l’hôpital.

42 % des soignant·es disent ne pas avoir pris rendez-vous avec la médecine du travail

Cette rengaine, Antoine en est certain, a largement permis de mettre la poussière sous le tapis. Puisqu’une fatigue ou un syndrome de surmenage ferait d’un·e soignant un·e professionnel·le trop « fragile », le mieux est de ne rien dire et d’encaisser. Mais les choses changent petit à petit, comme le montre la publication de nombreuses études à ce sujet, et même d’un rapport commandé par le ministère de la Santé.

Un chiffre représente particulièrement bien ce tabou autour de la santé des soignant·es. Selon le ministère de la Santé, 42 % des soignant·es disent ne pas pris rendez-vous avec la médecine du travail, dont la prise en charge est pourtant obligatoire.

Comme un signe que les autorités bougent, le ministère de la Santé a publié un rapport, en octobre 2023, faisant le tour du problème et dressant un bilan alarmant. « Au-delà de l’état de santé général, plus de la moitié des professionnels déclarent souffrir de douleurs chroniques régulières (60%). Ces douleurs chroniques sont particulièrement présentes chez les femmes (62%) et s’accroissent avec l’avancée de la carrière professionnelle (41% des 18-25 ans en déclarent, contre 64% des 36-50 ans et 72% des 51-65 ans) », dénonce le rapport.

Le rapport qui marque un tournant

« Pour mettre ces chiffres en perspective, il convient de noter que dans la population générale, environ 30% des adultes souffrent de douleurs chroniques, un taux qui augmente également avec l’âge. Elles affectent davantage les femmes et les catégories socio-professionnelles les moins favorisées », analysent les co-auteurs.

Au-delà du constat, que les autorités ont présenté comme « un tournant », leurs co-auteur·ices ont émis plusieurs pistes d’amélioration. En appelant d’abord les autorités à « produire de la connaissance » en lançant des travaux, notamment de la direction statistique du ministère de la Santé, mais aussi en mentionnant systématiquement ces enjeux dans les formations des professionnel·les de santé, en particulier des cadres.

À lire aussi : Les conditions de travail entachent toujours la santé des soignant·es

 

Petit à petit, certaines solutions sont mises en place. C’est par exemple le cas d’une unité de soins spécifiquement créée pour les soignant·es dans une polyclinique de Rennes, ouverte en juin 2023. « La particularité des professionnel·les de santé, c’est qu’ils ont du mal à quitter leur identité de soignant·es. Si on a un·e infirmier·e dans une chambre à deux, on est sûr qu’on va la/le retrouver en train d’aider sa voisine à s’habiller ou à manger. L’autre jour, j’ai retrouvé une infirmière à quatre pattes dans l’ascenseur en train d’éponger. Il y avait un peu d’eau qui avait été renversée, elle m’a dit : il y a un risque de chute. Aucun·e autre patient n’y aurait pensé », expliquait Vincent Lepage, cadre de santé à l’origine du projet, avant son ouverture.

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