C’est sans doute la dernière chose à laquelle pensent les patient·es lorsqu’iels se font soigner, ou lorsqu’on parle du système de santé. Au juste, dans quel état de santé sont celles et ceux qui soignent ? Une partie non négligeable des difficultés du système de soin y est pourtant pour quelque chose.
Selon les chiffres du ministère de la Santé, 55% des soignant·es déclarent avoir connu des épisodes d’épuisement professionnel, allant crescendo selon la pénibilité du poste. Le nombre de jours d’absence déclarés pour maladie a largement augmenté pendant la crise sanitaire. Là encore, de nombreuses disparités existent selon les postes, les agent·es d’entretien hospitalier·es déclarant 16 journées d’absence par an en moyenne contre 3 pour les médecins, expliquées, selon une étude de 2017, par les différences de pénibilité des postes.
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Toujours selon les chiffres du ministère de la Santé dont la dernière étude date de 2017, les « exigences émotionnelles », les « conflits de valeurs » et la « non-reconnaissance » font partie des éléments déterminants dans le nombre d’arrêts maladie pris dans l’année, ayant davantage encore d’impact statistique que le type de poste occupé.
Le sujet défraie aussi régulièrement la chronique chez les étudiant.es en santé. Selon l’INSI, l’intersyndicale des internes, un interne se suicide tous les 18 jours, soit un taux environ trois fois plus important qu’en population générale. Les étudiant·es en soins infirmiers ne sont pas non plus à l’abri. 7% des étudiant·es en soins infirmiers déclaraient en 2017 qu’un·e de leurs camarades a tenté de se suicider dans leurs IFSI depuis leurs entrée en formation et 4,7% ont connu au moins un cas de suicide dans leur établissement.
Santé physique
Résultat : « Les soignant·es sont plus nombreux que les patients à se sentir en mauvaise santé, et surtout, ils/elles sont deux fois plus nombreux (29%) à se sentir en mauvaise santé mentale », pointe un rapport de la chaire santé de SciencesPo Paris. En clair, « s’agissant de leur santé mentale : 29% d’entre elles et eux estiment qu’elle est « mauvaise » ou « médiocre »… c’est le double de ce que l’on relève en population générale. Et ce niveau est stable quel que soit le métier (26% pour les médecins, 28% pour les infirmier·es et 29% pour les aides-soignant·es). »
« Mais les contraintes du métier ont aussi un impact sur la santé physique, estime Amélie, aide-soignante à Marseille, et c’est encore moins considéré ». En arrêt maladie depuis plusieurs semaines pour gêne au dos, elle en sait quelque chose, et tient pour responsables les gestes qu’elle doit réaliser tous les jours, comme soulever des patient·es dépendant·es.
Amélie est loin d’être la seule, puisque 95% des maladies professionnelles reconnues dans le monde du soin et du service à la personne sont liées à des troubles musculo-squelettiques. C’est plus particulièrement le cas pour les infirmier·es et les aides-soignant·es, plus exposé·es à ce genre de troubles.
Un léger mieux
Travail de nuit, organisation du travail en journées de 12h, agressions sont tout autant de sources augmentant aussi le risque de blessures ou de pathologies physiques. Mais les difficultés de santé mentale des soignant·es y sont aussi pour quelque chose, le surmenage et le mal-être étant un terreau propice aux comportements à risques. C’est ce qui explique en partie le nombre de professionnel·les de santé qui ont des comportements nocifs pour leur santé : au moins une fois par semaine, 35% boivent de l’alcool, 24% fument du tabac, 16% prennent des tranquillisants ou des somnifères et 2% fument du cannabis.
« Les soignant·es sont même plus nombreux que les autres Français·es à consommer toutes les semaines (89% contre 78%) et même pour certains tous les jours (25% vs 16%) des produits gras, sucrés ou salés et, inversement, ils sont moins nombreux que leurs concitoyen·nes à pratiquer du sport ou une activité physique de façon hebdomadaire (59% vs 62%) ou, mieux encore, quotidienne (5% vs 14%) », pointe même le rapport de SciencesPo.
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Même chose « sur la prévention, les niveaux relevés auprès des soignant·es sont assez décevants. […] Les professionnelles de santé sont nettement moins nombreuses que leurs concitoyennes à avoir effectué un examen de dépistage du cancer du sein au cours de leur vie : 53% vs 67%, soit 14 points de moins. »
« Malgré un taux de satisfaction encore inférieur à celui des autres salarié·es (64 % contre 77 %), la situation s’améliore après plusieurs années de dégradation. En effet, la satisfaction des professionnel·les de santé a progressé de +10 points en deux ans et +26 points en quatre ans », analyse le rapport de la chaire santé de SciencesPo Paris.